Hommages aux pionniers


La renaissance d’une culture constructive commence toujours par l’engagement de quelques pionniers charismatiques. À travers la force de leurs convictions, la qualité de leurs oeuvres et la générosité de leur enseignement, ils sèment des graines qui créent au fil des ans un réseau de plus en plus dense. Outre la nomination des 40 finalistes, le jury d’experts réuni le 15 janvier 2016 à Grenoble a donc décidé de rendre hommage à cinq pionniers, qui ont contribué à l’éclosion de l’architecture en terre contemporaine sur leur continent et au-delà.

Marcelo Cortes

architecte et constructeur // Chili, Amérique Latine

L’oeuvre de Marcelo Cortes s’inscrit dans la continuité des constructions parasismiques traditionnelles d’Amérique latine (torchis et adobe), qu’il a su se réapproprier en utilisant la terre crue en remplissage de structures métalliques. Son engagement professionnel touche aussi bien des bâtiments contemporains que la réhabilitation du patrimoine monumental et vernaculaire local. Il couvre à la fois la conception architecturale et l’innovation technique, à travers une pratique quotidienne du chantier en tant que maçon et entrepreneur. 

Rick Joy

architecte// États-Unis, Amérique du Nord

Rick Joy fut musicien puis charpentier avant de devenir architecte à Tucson, dans l’Arizona. Ce parcours atypique confère à ses bâtiments en pisé une grande sensibilité : tous s’intègrent avec respect et humilité dans les milieux naturels qui les accueillent. À la fois massifs et ouverts, ils répondent aux conditions climatiques extrêmes. Dans le silence du désert de Sonora, les villas de Rick Joy, toujours fluides, transcendent les espaces et subliment la matière et la lumière. Une simplicité revendiquée par ce concepteur de talent, qui rend hommage au paysage. 

Satprem Maïni

architecte et bâtisseur // Inde, Asie

Diplômé de la formation sur la construction en terre crue de l’école d’architecture de Grenoble, Satprem Maïni a travaillé comme chercheur du CRAterre dans 36 pays. En 1989, il a créé en Inde le Auroville Earth Institute, qui a formé à l’architecture en terre 11 600 stagiaires de 82 pays. Spécialiste incontesté des BTC, il a développé différentes techniques à base de terre stabilisée, dont un système résistant aux séismes, et a fait preuve de génie constructif en réalisant avec audace arcs voûtes et coupoles. Il représente depuis 2000 la Chaire UNESCO « Architectures de terre » en Asie. 

Elie Mouyal

architecte-urbaniste// Maroc, Afrique

Elie Mouyal est l’un des précurseurs du renouveau des architectures de terre. Les villas luxueuses qu’il a construites dès 1980 à Marrakech valorisent non seulement la terre – sous forme de pisé et de briques crues et cuites – mais aussi les espaces ouverts sur des patios et jardins intérieurs. Respectueuse de l’environnement, son architecture inspirée par Hassan Fathy magnifie les couvertures en voûtes et coupoles aux formes audacieuses et savantes. Son oeuvre témoigne d’un syncrétisme culturel mêlant des références arabes et méditerranéennes renouvelées. 

Geun-Shik Shin

architecte et entrepreneur// Corée du Sud, Asie

Geun-Shik Shin, diplômé du DSA « Architecture de terre » de l’école d’architecture de Grenoble, fut l’entrepreneur de plusieurs projets du fameux architecte sud-coréen Chung Gu-Yon. Ce jeune professionnel très doué avait une connaissance intuitive de la matière et développait avec une grande intelligence la mise en oeuvre du pisé en coffrages grimpants et mobiles. Guen-Shik Shin souhaitait valoriser la terre et l’autonomie des acteurs locaux dans des projets d’habitat et d’écoles en Afrique. Il y aurait sans doute excellé, mais il est décédé trop tôt sur l’un de ses chantiers.